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Rouler au méthane

Toute personne cherchant à réduire ses émissions de CO2 ne devrait pas conduire une voiture ; un choix qui n’est pas à la portée de tous. Une alternative attrayante est l’utilisation du méthane comme carburant. Lors de la combustion, ce gaz produit moins de CO2 que l'essence. En outre, sa production résoudrait le problème du stockage de l'énergie solaire et éolienne, puisqu’il est possible de le stocker à long terme.

Résumé du projet de recherche « Méthane pour les transports et la mobilité ».
La question de savoir si à l'avenir les voitures seront propulsées au méthane renouvelable plutôt qu'aux carburants fossiles sera bien plus une question politique que technique.
La question de savoir si à l'avenir les voitures seront propulsées au méthane renouvelable plutôt qu'aux carburants fossiles sera bien plus une question politique que technique. undefined
En un coup d’œil

En un coup d’œil

  • Le gaz naturel de synthèse est non seulement renouvelable et climatiquement neutre, mais peut également servir de moyen de stockage pour les énergies renouvelables.
  • La production du gaz est techniquement possible et le réseau gazier suisse est bien développé, de sorte que le méthane peut être distribué via ce réseau.
  • Toutefois, l’utilisation future de ce gaz en Suisse dépendra avant tout de décisions politiques.

En Suisse, la moitié des émissions de CO2 causées par l’homme proviennent du trafic routier et doivent être réduites, la Suisse s'y étant engagée dans le cadre de la stratégie énergétique 2050. Laisser sa voiture dans le garage et recourir aux transports publics serait de loin la meilleure solution, mais cela n’est pas à la portée de tous. Il convient donc de trouver d'autres solutions. L'une serait de passer à d'autres types de carburants, renouvelables et pouvant être produits sans incidence sur le climat, notamment au gaz naturel synthétique qui n'est rien d’autre que du méthane produit artificiellement. Ce gaz est particulièrement intéressant sur le plan de la mise en œuvre de la stratégie énergétique, puisque la propulsion de véhicules au gaz naturel de synthèse permettrait de faire d'une pierre deux coups. Premièrement, si, comme prévu, la Suisse mise de plus en plus sur les énergies renouvelables telles que l'énergie solaire et éolienne, les fluctuations de la production d'énergie seront inévitables : le soleil ne brille pas toujours et le vent ne souffle pas continuellement. Inversement, de l'énergie est également produite lorsque la demande est faible, et c'est précisément cette énergie-là qui peut être utilisée pour produire le gaz de synthèse. Ainsi, le gaz fonctionne comme un réservoir d'énergie à long terme, alors que les batteries de stockage ne servent qu’au stockage à court terme.

Deuxièmement, le carburant renouvelable est produit à partir de CO2. Ce gaz à effet de serre se mue ainsi en ressource. Boris Meier en tant que chef de projet et l'équipe de Markus Friedl, professeur à l'Institut für Energietechnik de l'HSR à Rapperswil, ont examiné si et sous quelles conditions le gaz naturel de synthèse peut devenir un carburant de substitution pour le trafic routier suisse. Leur conclusion : la question de savoir si, à l'avenir, le méthane sera utilisé comme carburant dans le trafic routier est bien plus une question politique que technique.

L'eau et le dioxyde de carbone, ressources inépuisables

Gaz naturel de synthèse

Le gaz naturel de synthèse, pouvant être utilisé comme carburant pour les voitures, est en fait du méthane (CH4). Il est produit à partir d'électricité renouvelable, de dioxyde de carbone (CO2) et d'eau. L'électricité sert d'une part à dissocier l'eau en oxygène et en hydrogène dans un procédé appelé électrolyse et, d'autre part, à filtrer le CO2 présent dans l'air, dans les gaz de combustion d'usines d'incinération des déchets ou dans les usines de biogaz. L'hydrogène réagit alors avec le CO2 pour former du méthane, pouvant ensuite être utilisé pour alimenter une voiture équipée à cet effet. Une voiture à gaz émet environ 20 % moins de gaz à effet de serre qu'un moteur à essence, et les 80 % restants ont déjà été réduits dans l'atmosphère. Ainsi, la mobilité moyennant le méthane synthétique présente un bilan CO2 presque neutre.

La production de ce carburant renouvelable nécessite de l'eau, du dioxyde de carbone contenu dans l'air et de l'électricité (voir encadré). En Suisse, les matières premières eau et CO2 sont disponibles en quantités pratiquement illimitées. Selon les calculs des chercheurs, même si l'ensemble du trafic routier suisse était alimenté au gaz de synthèse pendant un an, cela ne correspondrait qu'à 2 % de la consommation annuelle d'eau potable de la population suisse. L'air est source de CO2. 15 % des émissions de CO2 en Suisse étant émises dans 35 sites, dont des cimenteries et des usines d'incinération des déchets, les chercheurs proposent que cette matière première soit captée directement à la source. Ce processus de filtration est beaucoup plus efficace qu’une extraction du CO2 présent dans l'air.

La disponibilité de l'électricité nécessaire à la production du gaz soulève des questions importantes. Une propulsion de l'ensemble du trafic routier helvétique au méthane conduirait à une réduction de près de 52 % des émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, ce calcul n’est correct que si l'électricité utilisée provient de sources d'énergie renouvelables et non de centrales électriques alimentées aux combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon) et émettrices de CO2. Selon les chercheurs, il est donc essentiel que la Suisse n'importe pas d'électricité de l'étranger pour la production de méthane comme carburant.

Une technologie coûteuse

L'efficacité de la production de gaz de synthèse dépend principalement de l'efficacité de l'électrolyse de l'eau. Bien que le procédé soit bien établi du point de vue technologique, les coûts d'achat de l’équipement d'électrolyse restent élevés et des améliorations au niveau de l’efficacité sont encore réalisables.

A l'exception d'un laboratoire d'essai à la Haute école spécialisée de Rapperswil (HSR), il n'existe pas d'installations de production de gaz de synthèse en Suisse. Il serait en outre nécessaire de construire des réservoirs pour stocker le méthane. Cependant, la capacité de stockage à disposition près de la frontière suisse, en France et en Allemagne, suffirait à permettre le lancement du projet. Selon les chercheurs, le réseau de gazoducs est déjà suffisamment développé pour permettre la distribution du méthane de synthèse.

Acceptation, marché et décisions politiques

En Suisse, ni les ressources ni la technologie ne représentent donc des obstacles insurmontables. Il est toutefois plus difficile d'évaluer l'acceptation, le marché et les processus politiques. Afin de pouvoir néanmoins se prononcer sur la faisabilité du projet, les chercheurs ont également analysé ces facteurs et sont arrivés aux conclusions suivantes :

  • Acceptation : des entretiens avec les visiteurs de l'usine de gaz de synthèse de la Haute école spécialisée de Rapperswil ont démontré que la sécurité des véhicules et des stations de distribution du gaz préoccupe de nombreux citoyens ; à tort, selon les chercheurs, puisque le réseau de gaz et le chauffage au gaz naturel sont déjà bien établis et acceptés en Suisse. Il est donc important d'informer la population sur l'utilisation des véhicules propulsés au gaz de synthèse.
  • Marché : la situation future du marché est une incertitude supplémentaire, rendant difficile l'évaluation du potentiel d'utilisation du gaz de synthèse. La capacité de la production de méthane synthétique à s'établir sur le marché dépend de facteurs tels que le prix de l'électricité, le prix du gaz sur les marchés internationaux et les taux de change.
  • Décisions politiques : la législature actuelle est telle que le prix de l'électricité pour la production du méthane de synthèse serait soumis à une redevance de réseau, et que des taxes supplémentaires seraient perçues à la vente du méthane. Ces taxes devraient être prises en charge par les consommateurs, tout comme celles déjà dues par les citoyens suisses aujourd'hui s'ils optent pour un produit d’électricité composé en grande partie d'énergies renouvelables. Dans ces conditions, le gaz renouvelable ne serait pas concurrentiel par rapport aux carburants fossiles. Si toutefois les frais de réseau, par exemple, étaient supprimés, la production du gaz de synthèse pourrait s’avérer rentable d’ici dix à vingt ans.

Une autre manière de rendre le gaz de synthèse plus compétitif serait d'introduire une taxe d’incitation sur le diesel ou l'essence. Un exemple : si un kilowattheure d'électricité pour la production de gaz renouvelable coûte 13 centimes (y compris les frais de réseau), il serait nécessaire de prélever 2,7 francs suisses par litre sur le diesel ou l'essence pour compenser la différence de prix. Il serait également envisageable de hausser progressivement ces taxes, ce qui rendrait les carburants fossiles de moins en moins attrayants et le passage au méthane renouvelable plus rentable.

En conclusion, les chercheurs sont d’avis que l'utilisation du méthane de synthèse comme carburant pour le trafic routier suisse présente un grand potentiel, à condition que le cadre politique soit adapté : le renforcement de la compétitivité du gaz par rapport aux carburants conventionnels résoudra non seulement le problème du stockage de l'électricité provenant des centrales éoliennes et solaires. Simultanément, la conversion du CO2 en méthane contribuera aussi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre en Suisse.

Produits du projet

Contact et équipe

Prof. Markus Friedl

HSR Hochschule für Technik Rapperswil
Oberseestrasse 10
Postfach 1475
CH-8640 Rapperswil

+41 55 222 43 33 markus.friedl@hsr.ch

Markus Friedl

Projektverantwortlicher

Boris Meier

Andreas Züttel

Peter Graf

Karl Frauendorfer

Urs Baier

Le contenu de ce site représente l’état des connaissances au 02.05.2019.